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LA PERLE DE CANDELAIR

— Riez, riez, Hélène. Savez-vous à quoi cela m’a fait songer ?

— J’attends que vous me le disiez. Dans l’ordre des choses fantastiques où je vous vois lancé, je me sens incapable de rien deviner.

— Cette chimère m’a semblé l’esprit d’Étienne. Elle a le regard que je lui ai vu parfois, regard de feu au fond duquel il passe des éclairs et des ombres.

Mme Hélène écoutait et ne chiffonnait plus son peignoir,

— Oui, continuait le marquis, ce monstre au dos luisant, aux flancs rebondis, à la croupe saillante et tourmentée, aux doigts enfoncés dans cette boule d’or, c’est notre sauvage, madame. C’est lui, voulant anéantir ce qui lui résiste ; c’est lui, voulant briser le temps qui pesait ici sur lui ; c’est lui, arrêtant les heures qui lui emportaient sa jeunesse sans lui avoir jamais rien donné en échange.

Enfin ! reprit le marquis, après s’être arrêté un moment sans que Mme Hélène eût profité de ce repos pour lancer un sourire, une parole ou un regard, j’aimais Étienne sans trop savoir pourquoi, presque depuis le moment où nous l’avons aperçu roulant dans la montagne en compagnie de son affreux barbet, mais depuis que je l’ai vu dans cette chambre, le coude sur la grande table de bois noirci qui en occupe le centre, la tête dans ses deux mains, en face d’un livre dont il n’a pas, depuis longtemps, j’en suis sûr, tourné les premiers feuillets ; j’en ai fait mon fils dans ma pensée et bien sûr je le traiterai comme tel à dater de cette heure.

Mme Hélène leva lentement son œil calme et brillant