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LA PERLE DE CANDELAIR

lui donnait des habits, du pain ; son oncle qui le faisait vivre, en un mot, depuis qu’il était au monde, la bonne Mme Daubrée avait dépassé le but.

Étienne ne put arriver qu’à une indifférence sourdement hostile.

Il se sentait mal à l’aise chez cet oncle.

Mme Daubrée lui avait redit si souvent, pour le mieux pénétrer de ses devoirs envers leur bienfaiteur, qu’il n’avait pas de chez lui, qu’il s’était pris à détester la Chartreuse.

Les jours de sortie, ces jours que les enfants attendent avec tant d’impatience et savourent avec de si bruyantes joies, étaient pour lui de longues heures de contrainte morne et de véritable souffrance. Il préférait encore le collège, cette maison de tous, où chacun avait, dans la cour, son petit jardin.

Hélas ! cette illusoire propriété n’était pas même accordée à Étienne dans le grand jardin de son oncle. Il s’y était toujours senti comme en visite.

Quelquefois il se prenait à soupirer quand un de ses camarades disait avec cette audace des enfants entièrement aimés : « Je vais chez moi, puisque chez maman c’est chez moi. J’y ai ma chambre, j’y ai mes livres, j’y ai ma petite bourse. »

Posséder est le premier désir impérieux de l’homme ; ne point posséder est aussi son premier chagrin réel.

Étienne eut toute son enfance dévorée par cette plaie du désir sans cesse excité et jamais assouvi.

L’enfant n’eut pas un jouet, le jeune homme aucune de ces superfluités qui apprennent à l’homme à avoir,