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LA PERLE DE CANDELAIR

M. de Ferrettes mit quelque malice à s’amuser un instant de la jolie petite comédie que jouait, pour lui tout seul, madame sa nièce, puis, en homme bien appris, qui comprend toujours à demi-mot, et s’exécute de bonne grâce, il reprit bien décidé à recommencer sa narration autant de fois qu’on le désirerait :

— Ma chère, vous ne m’avez point écouté, permettez-moi de vous répéter…

— Tout ce que vous voudrez, dit Mme Hélène jouant avec les broderies de son peignoir.

— Que le jardin est beau, bien soigné, plantureux comme un jardin maraîcher, mais pas bourgeois. Dans la maison tout est net, brillant, propre, reluisant comme en une maison flamande ou comme en un moustier de nonnes. Rien de bourgeois là non plus, comme vous le voyez. On sent qu’il n’y a jamais eu dans ce logis de femme jeune, de femme aimée. Une matrone soigneuse du bien-être de sa famille, semble avoir présidé à l’arrangement de chaque chose, cela ne manque pas, à tout prendre, d’une certaine grandeur austère ou plutôt recueillie.

Ce qui m’a plu avant toute chose, c’est la chambre de notre futur secrétaire. Il y a là, dans un coin, un vieux lit à colonnes torses, avec des courtines de serge verte, qui a un air monumental. La pièce est éclairée par deux grandes fenêtres, dont les rideaux sont de la même étoffe et de la même couleur que ceux du lit.

Les fenêtres étaient ouvertes, et M. Jussieux avait la tête nue, le visage en feu, les yeux brillants, quand je suis entré, comme si l’air eût manqué à sa poitrine dans cette grande chambre. Ah ! ma chère, nous aurons