Page:Lacroix - La Perle de Candelair.djvu/254

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
246
LA PERLE DE CANDELAIR

M. Letourneur tremblait, sa voix était émue ; il serrait le bras de son neveu, qui arrêta ses yeux sur ce visage bouleversé, et fut pris de pitié.

— Au fait, songea Étienne, mon oncle m’a peut-être fait du mal sans le savoir, sans le vouloir ; il est de ces natures tellement terre-à-terre qu’il est capable de n’avoir rien compris ni à l’abnégation de ma grand’mère, ni aux terribles douleurs qui datent de mon enfance ; s’il lui manque un sens, le sens du cœur, puis-je l’en rendre responsable ?

― Je vous écoute, mon oncle, dit-il alors d’une voix radoucie.

— Tu me confieras, sans en rien dire à qui que ce soit, quel est le chiffre de tes appointements, reprit M. Letourneur. Je te dirai alors ce qu’il te faut pour vivre… largement. Je sais, vois-tu, ce que c’est que le monde ; j’allais souvent chez M. le préfet autrefois, et j’y faisais toujours bonne figure. Après cela, tu mettras le reste de côté ; tu me l’enverras ; je le placerai ici, ou j’achèterai pour agrandir la Chartreuse. J’en ferai une belle propriété, et qui rapportera gros. Les jardins, vois-tu, c’est le meilleur placement que je connaisse. Puis, en achetant toujours avec les revenus, avec ce que tu m’enverras, avec les économies que nous ferons, ma sœur et moi, nous irons là-bas, là-bas, jusqu’à la rivière qui traverse la basse ville.

— Mon oncle, dit alors Étienne affligé de voir ce vieillard ne songer qu’à économiser pour acheter, si vous songiez un peu à jouir et à faire reposer ma grand’mère ? N’avez-vous pas assez travaillé l’un et l’autre ? l’heure du repos et du bien-être n’a-t-elle pas sonné pour vous deux ?