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L’ONCLE ISIDORE

reprit le jeune homme, qui sortit tout heureux de voir sa grand❜mère si profondément joyeuse. Ce bonheur qui lui arrivait ainsi, sans être annoncé, et sans que rien dans son passé pût lui paraître un précédent ou un avertissement, étonnait tellement cette excellente personne, qu’elle ne savait pas au juste, malgré les louis qui brillaient là, sur ses genoux, malgré les paroles affectueuses de son enfant, qui résonnaient encore à ses oreilles, si elle n’était pas le jouet d’un songe et si le réveil n’allait pas faire envoler tout cet amas de bonheur, d’amitié et d’argent.

M. Letourneur cependant attendait toujours au salon.

Il était si fort persuadé de son importance qu’il n’aurait jamais pensé qu’après avoir mis le pied dans sa propriété on osât en sortir sans aller lui rendre les devoirs dus au maître de la maison. Il ne s’était donc dérangé à aucun des bruits qu’il avait entendus dans le logis.

À la longue, la solitude, le calme, la fraîcheur du salon, le moëlleux du siége sur lequel il était assis, et par-dessus tout l’absence de pensées, lui amenèrent un profond sommeil auquel il se laissa aller avec la conscience d’un homme dont les revenus sont assurés, les dîners succulents et les digestions faciles.

C’est dire qu’il dormait les poings fermés lorsqu’Étienne, après l’avoir cherché partout, et après que la servante lui eût assuré qu’il n’était point sorti, poussa la porte du salon.

— Ah ! vraiment, monsieur, ce m’est bien de l’honneur de vous recevoir dans ma modeste maison, dit M. Letourneur en se levant vivement et en ouvrant les yeux avec d’autant plus de peine qu’il ne voulait point