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L’ONCLE ISIDORE

Nous n’entendons pas dire que Mme Daubrée n’était pas une excellente grand’mère, qu’elle n’aimait pas Étienne, qu’elle ne l’embrassait jamais. Loin de là, elle l’embrassait beaucoup, plutôt deux fois qu’une. Seulement la bonne femme embrassait comme embrasse quelqu’un de pressé, quelqu’un dont toutes les heures sont marquées d’avance et dont chacune a son emploi.

Puis chaque caresse ne semblait être destinée qu’à faire passer un bout de sermon, qu’à recouvrir des exhortations de sagesse, de travail, de reconnaissance, de reconnaissance surtout ! Si bien que lorsque la veuve appuyait ses lèvres sur le front d’Étienne, Étienne répondait machinalement à un encouragement qu’il voyait poindre :

« Oui, grand’mère, je vous le promets, je n’y manquerai pas. »

La vieille dame ne semblait pas s’apercevoir que les protestations avaient précédé les recommandations qu’elle débitait alors de sa voix douce, calme, insinuante, timide même : car Mme veuve Daubrée était la timidité et l’humilité en personne.

Si elle adressait si souvent et de si nombreuses admonestations à l’enfant, c’était pour se mettre en paix avec sa conscience, qui était littéralement bourrelée de sa reconnaissance envers Isidore Letourneur.

Chez elle, toutes les facultés étant tournées vers l’adoration qui résultait du bienfait reçu, elle avait essayé de pétrir l’âme de son petit-fils à l’image de la sienne.

Mais à force de lui montrer les devoirs que sa reconnaissance contractait chaque jour, à force de lui répéter que c’était son oncle qui le faisait élever, son oncle qui