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L’ONCLE ISIDORE

si heureuse ! s’écria la pauvre femme en jetant ses deux bras autour du cou de son enfant, qui se faisait homme et qui commandait pour lui assurer le bonheur à venir.

― Vous avez aimé votre petit orphelin, mère, lui dit tout bas Étienne, et vous avez donné votre vie entière en échange du pain qu’il recevait, car vous vous êtes pliée à la volonté de votre frère ; vous lui obéissez, vous le craignez, comme l’esclave craint son maître, mais vous ne l’aimez pas.

— Tais-toi ! dit la pauvre femme tremblante ; si on t’entendait !

— Vous n’avez jamais aimé que moi, continua Étienne en souriant de la frayeur de sa grand’mère ; allez, mère, je le sais depuis longtemps.

— Chut ! au nom du ciel !

— Eh ! qu’avez-vous à craindre, ma pauvre chère mère ? N’êtes-vous pas libre de votre affection ? Ce n’est point de cela que votre frère serait jaloux.

— Tu ne le connais pas. Il est économe, c’est vrai, mais il n’est pas méchant. Et puis… enfin ce qu’il ramasse c’est pour toi, cela t’appartiendra un jour, et ce m’est une joie de songer que grâce à mes soins je n’y aurai pas été tout à fait étrangère.

— Je vous le disais bien : vous n’avez jamais aimé que moi. Promettez-moi donc d’être forte et muette, de ne jamais dire à mon oncle ce que je vous enverrai. Je vous prierai encore, et je vous demande cela pour moi, pour mon repos, de ne pas lui dire davantage ce qui me concerne. Je ne veux pas qu’il puisse m’écrire, pour me donner des conseils ; un mot que je recevrais de lui me