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LA PERLE DE CANDELAIR

— Ce que ma famille n’a ni vu ni senti, continua Étienne, un étranger s’en est rendu compte sur un seul mot.

Voici cent louis, mère, puisque les grands seigneurs comptent par louis, et que je vais vivre avec eux. Laissez-moi faire et commander un peu à mon tour, cela ne m’est point encore arrivé ; si vous saviez comme il est bon de donner quand on n’a jamais rien reçu.

Mais vous cacherez cet argent à mon oncle ; il vous le prendrait ou, ce qui serait tout à fait la même chose, il vous amènerait à le lui donner, et je ne le veux pas ; c’est pour vous, pour vous toute seule, entendez-vous. Vous êtes charitable, ah ! ne vous en défendez pas ! je vous ai vu parfois donner en cachette un morceau de pain.

— C’était le mien ; je m’en étais privée ! s’écria la vieille dame, dont la conscience intègre ne voulait pas être, même tacitement, accusée du plus honnête détournement, fût-ce dans l’intention la plus charitable.

— Ô sainte martyre ! pensa le jeune homme en arrêtant ses yeux attendris sur cette noble femme.

Eh bien ! reprit-il, je veux que vous puissiez faire la charité sans vous priver, ma mère. Maintenant, vous pourrez y employer votre argent sans avoir de comptes à rendre à personne. Chaque mois, vous recevrez une partie des appointements que l’on me donnera. Vous m’écrirez tout ce que vous en ferez. Je sais bien que vous n’oserez pas me mentir : il n’y a pas pour votre conscience timorée de petit mensonge, et je verrai si vous employez votre argent pour vous et pour vos seuls plaisirs.

— Ah ! mon Dieu ! qu’ai-je donc fait au ciel pour être