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L’ONCLE ISIDORE

frère d’une pareille dépense, qui serait tout à fait superflue ?

— Ma mère, mon oncle est riche, mais il est avare, et de plus, égoïste. Votre vie tout entière s’est passée à l’entourer de soins et à mener sa maison en prenant pour vous tous les sacrifices, tous les renoncements et une peine qui a toujours été au-dessus de vos forces. À l’heure présente, tout cela est incompatible avec votre âge.

— Mais…, hasarda Mme Daubrée.

Étienne imposa affectueusement silence à sa grand’mère et continua :

— Et jamais il n’a pensé à votre bien-être. Je ne parle pas de moi, de ce qu’il a dépensé pour mon éducation, de la façon dont il l’a dépensé ; il ne me devait rien ; tout ce qu’il a fait est donc une dette que j’ai contractée envers lui, dette que je paierai d’autant mieux qu’il m’a rendu le bienfait amer, et que mon cœur se révolte à la pensée de lui en avoir de la reconnaissance.

Ce que j’ai souffert, ma mère, je n’en veux plus jamais parler, parce que je sais que c’est fini et que je veux quitter mon pays sans emporter de haine contre votre frère. La haine est un mauvais compagnon de route.

Se baissant sur ces mots, il baisa pieusement cette main ridée, en souvenir de la souffrance qu’elle lui avait évitée.

Mme Daubrée pleurait, attendrie, émue, et laissait parler son enfant, dont toutes les paroles trouvaient le chemin de son cœur. Elle n’avait jamais compris toutes ces choses ; mais maintenant elle sentait qu’elles pouvaient exister, et s’affligeait de ce qu’avait dû souffrir son fils.