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L’ONCLE ISIDORE

terez aucun ombrage, et ils aideront à vous pousser, pensant vous faire aller, plus tard, à leur guise et selon le vœu de leurs intérêts. Ne soyez pas un Caton, mais gardez-vous, avant toute chose, d’un amour sérieux.

Gravez ces recommandations dans le meilleur coin de votre mémoire, considérez-les comme le résultat pratique de toute ma longue expérience ; usez-en à l’occasion, et j’aurai la satisfaction de vous voir faire un beau chemin, auquel je n’aurai pas été tout à fait étranger. — Ah ! le sublime du genre, serait que vous en ayez, d’ici à quelques mois, perdu la reconnaissance et la mémoire du même coup.

— Oh ! monsieur, s’écria Étienne en s’emparant de la main du vieillard, me connaissez-vous donc si peu, que vous ayez de moi une pareille idée ?

— Est-ce que vous croyez, par hasard, que cette idée est mauvaise ? Vous seriez dans l’erreur, mon jeune ami, faites ce que je vous dis et je me frotterai les mains, bien sûr d’avoir donné un futur grand homme à la France. Une élégante ingratitude, c’est, voyez-vous, le premier objet de toilette d’un homme qui veut arriver. On jette du lest, mon cher enfant, on jette du lest pour s’élever, quitte à le regretter plus tard, lorsqu’on aurait bien l’envie de descendre ; mais bast ! songe-t-on jamais à plus tard quand on a devant soi un fort enjeu !

— Permettez-moi de viser moins haut, cher monsieur, et de conserver certaines affections que je suis trop fier d’avoir éveillées pour n’en pas garder toujours le plus entier souvenir.

— C’est un tort ; il ne faut pas avoir un sentiment d’entier. Sur ce, venez avec moi, je vais vous conduire