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LA PERLE DE CANDELAIR

les papiers timbrés que l’aubergiste ou plutôt Souillard, adressait à son frère ne dormait plus, ne mangeait plus, avec le calme des temps passés. Elle murmurait à chaque acte nouveau : « Comment cela finira-t-il ? » Elle tremblait comme à l’approche d’un orage et eût volontiers allumé un cierge bénit pour que sa sainte flamme protégeât la demeure où elle travaillait, économisait et tremblait depuis si longues années.

Elle n’osait questionner Isidore ; depuis que son avocat lui avait démontré clairement ses droits, M. Letourneur voyait Thomas se ruiner avec une certaine satisfaction.

Il songeait même que si son voisin venait à être mis à la porte de son auberge, lui, Isidore Letourneur, l’homme sage et rangé qui avait, grâce au ciel, quelques petites économies à placer, il achèterait bien volontiers la grande cour de l’aubergiste, pour étendre d’autant son jardin. Il regardait avec bonheur cette muraille, cause de toute la dispute, et se frottait les mains en espérant qu’il lui serait donné de la pousser beaucoup plus loin, car la cour était grande, bien grande, et les petites économies toutes prêtes, dans un coin, pour s’en emparer à la première occasion.

— Voyez-vous, dit-il à sa sœur, un jour où cette idée l’avait tourmenté plus que l’habitude, tout cela c’est la faute d’Étienne.

La pauvre femme, déjà fort perplexe à l’endroit de ce procès auquel elle ne comprenait rien et dont elle avait grand’peur, ne put que soupirer un « hélas ! » qui eût attendri toute autre personne que M. Letourneur.

— Oui, continua-t-il, ce garçon n’a nulle tenue, aucun