Page:Lacroix - La Perle de Candelair.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
217
L’ONCLE ISIDORE

pensée n’est pas à moi, à cette heure où tout en moi t’appartient ! ah ! tu ne m’aimes pas !

― Si, je t’aime, reprit-il, mais je souffre encore du mal passé et j’ai peur du mal à venir.

— Qui donc te pourrait venir chercher là ? et de ses deux bras bruns et nerveux, elle entourait les épaules d’Étienne.

Puis, en véritable fille du midi, que les baisers donnés et reçus avaient brûlée jusque dans l’âme, elle devint éloquente à rendre fous les plus sages.

— Il ne t’a manqué que du bonheur, mon Étienne, disait-elle, pour avoir, tout comme un autre, confiance en ton avenir et en ta force.

Tu as été dans ce grand Paris où l’on dit que tout le monde est affairé à en perdre l’esprit. Pour y gagner de l’argent, des honneurs et des places, tout se fait en courant, et on ne s’y donne point le temps d’avoir un peu d’amour. C’est là que tu t’es glacé ; notre beau soleil t’y manquait sans doute !

Tu as fait vivre ta tête plus qu’elle ne le devait ; elle a pris une part d’activité qui appartenait à ton cœur ; et maintenant, qu’en égoïste, elle a l’habitude de tout absorber, elle ne veut plus lui rendre ce qui, pourtant, est bien à lui.

Fi ! le méchant, continua-t-elle en prenant les tempes du jeune homme dans ses deux petites mains, et en faisant courir ses lèvres sur son front. Allons ! que je reprenne mon bien où il était caché : rêves d’amour, venez, vous êtes à moi, et votre place n’est point sous le front de mon cher savant. Venez, venez ! vous êtes à moi, vous dis-je, comme je suis à lui.