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LA PERLE DE CANDELAIR

Je sais bien, continua Mariette, qu’il est plus aimable de se faire une belle histoire, dans laquelle on arrange tout à son plaisir ; mais vous savez, monsieur Étienne, que nous ne sommes pas tout à fait pour nous seuls sur la terre, et qu’on se doit un peu de charité les uns aux autres dans ce monde.

— Est-ce ma faute, si l’on m’a fait impuissant ? murmura le jeune homme, qui répondait plutôt à un reproche de sa conscience qu’à la jeune fille. Est-ce ma faute si l’on a blessé, tué en moi tout ce qui voulait agir et vivre ?

Mariette secouait doucement la tête.

― La famille nous brise les jambes, nous rompt les bras, comme les tortionnaires du moyen-âge, puis elle nous dit : — Marche, soulève ces fardeaux, fais acte de volonté, de vie ! Si l’on reste anéanti, faisant refluer toute sa force et l’immensité de ses désirs vers la pensée, la seule chose qui, restée libre, puisse fuir sa domination et lui échapper toujours, elle crie : haro ! sur le paresseux, le lâche, le mauvais !

C’est une affreuse chose que la vie, Mariette, conclut le jeune homme, en secouant les boucles noires de sa chevelure comme pour chasser tout souvenir importun des heures passées. C’est un lourd fardeau qui ne vaut pas que nous prenions la peine de le traîner.

— La vie n’est point si méchante que cela vous plaît à dire, monsieur Étienne, reprit Mariette. Chacun fait un peu la sienne comme il veut. Je vous demande bien pardon si mon amitié me pousse à me mêler de ce qui ne me regarde peut-être pas, mais il me semble qu’avec un brin de bonne volonté, vous pourriez être plus heureux que vous ne l’êtes !