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L’ONCLE ISIDORE

Pour faire quelque chose alors, on se fait la comédie à soi-même, on voit dans son esprit, en fermant ses yeux, de belles dames toujours habillées de velours, qui parlent doucement, en mesure, comme si elles chantaient ; tout le monde est beau, tout le monde est bon, chacun est riche, comme à la comédie, enfin ; seulement on finit par se brûler les yeux de l’esprit à regarder tout cela fixement, comme on se brûle les yeux de la tête, quand on fixe le lustre toute une soirée.

Ah ! je sais bien ce que c’est, monsieur Étienne ! Je n’ai jamais autant aimé ma petite lampe, que lorsque j’avais été, par hasard, au spectacle, et que j’avais gagné le mal de tête à y voir trop clair.

Pourquoi ne faites-vous rien, monsieur Étienne ? demanda timidement la jeune fille. Vous savez bien ce qu’on dit…

— On dit, on dit, reprit Étienne en levant les épaules.

— Quand tout le monde dit la même chose, ajouta doucement, mais avec une certaine autorité Mariette, il faut bien qu’il y ait une raison au fond de ces paroles si souvent répétées. Quoique vous ayez l’air de vouloir me bouder, je ne vous en dirai pas moins ce que j’ai toujours entendu dire, depuis que je suis au monde : « Il faut travailler quand on est jeune, pour se reposer quand on est vieux ; ceux qui ne font rien finissent par mal faire, tant la paresse devient à charge, même aux plus mauvais. Celui qui demande tout à ses bras ou à sa tête n’est jamais l’obligé de personne. Le pain noir que l’on gagne, est plus facile à digérer que le pain blanc que l’on reçoit. On n’est l’esclave de personne quand on est capable de se suffire. »