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LA PERLE DE CANDELAIR

Je ne veux pas, si je poursuis dans un songe d’or des images riantes, qu’une main, même la main d’une femme que je croirais aimer, vienne me montrer le néant de mon illusion, en dissipant le nuage dans lequel se meut le monde si cher à mon esprit.

Ce que j’aime, Mariette, reprit-il, ce que j’aime ne se peut guère définir. Je suis comme les enfants qui demandent l’impossible et qui pleurent de ne point l’obtenir. Je suis, ajouta-t-il un peu tristement, comme les fous dont une idée fixe, irréalisable occupe le cerveau, et qui deviennent furieux lorsqu’on les contrarie.

— Non, reprit brusquement Mariette en relevant la tête d’Étienne, par un mouvement plein d’une grâce énergique.

Non ! vous n’êtes pas comme les enfants, vous n’êtes pas davantage comme les êtres privés de raison, vous êtes inoccupé, voilà tout, et c’est un assez grand mal pour que vous en souffriez énormément.

Étienne allait l’interrompre. Elle poursuivit en faisant un geste quelque peu impérieux :

— Je sais bien ce que je dis, allez, et je sens que ce que je dis est vrai : s’il n’y a qu’un dimanche, c’est sans doute parce que de plus savants que nous ont jugé que nous ne devions avoir qu’un jour de repos sur sept de travail.

Les premiers moments où l’on ne fait rien, après avoir trop fait pendant un temps, on trouve cela bon, on se figure qu’on ne s’en lassera jamais ; mais on se trompe, car il vient une heure où l’on ne sait plus que devenir : tout pèse, soi, les autres, et par dessus tout ce repos que l’on a tant désiré.