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LA PERLE DE CANDELAIR

pouvez-vous avoir peur quand vous êtes près de moi ?

— De vous faire de la peine, dit-elle d’une voix émue ; de rien autre chose, je vous assure, car je suis crâne, allez, pour tout ce qui n’est pas vous. Vous seul me faites trembler, rien qu’en me regardant. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit.

Je m’étais dit : M. Étienne aime, il a tout le cœur pris. La femme qu’il aime est sans cesse présente à son esprit ; il vit avec elle tout le jour, il en rêve encore la nuit ; mais elle ne doit pas l’aimer, elle, sans cela il serait plus gai, il sourirait, il vivrait enfin.

Je crois que je la connais, la femme qu’il aime ! Pour elle, je suis bien peu de chose, une chose si minime, qu’elle ne me regarde même pas, quand je passe à ses côtés. On ne se dérange pas, en effet, pour si peu !

Mais voyez-vous, monsieur Étienne, si peu que l’on soit, une parole dite est souvent une grosse affaire, tout comme si elle sortait de la bouche d’une grande dame.

Ces dames qui passent si longtemps à leur toilette, elles s’y ennuient parfois, et malgré leur grand orgueil, j’en ai vu, et des plus fières, causer avec leur femme de chambre ou avec leur ouvrière.

Il ne faut pas croire, monsieur Étienne, qu’aussitôt l’ennui passé on ne songe plus à ce qui a été dit ou écouté ; vous vous tromperiez. Ma nourrice assure que la parole c’est comme le grain qui, une fois semé, lève inévitablement, une fois ou l’autre.

De la parole, il reste aussi toujours quelque chose.

Voulez-vous me laisser parler, dites, de Mme Hélène ? Oh ! ne craignez pas, je suis une femme tout comme elle, quoique je ne porte qu’une robe de toile. Je sais ce