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L’ONCLE ISIDORE

— Ah ! nourrice, répondit la jeune fille, vous sentiez donc que votre fillette revenait, que vous êtes là sur le pré à l’attendre ?

— Comme tu es brave, s’exclama la paysanne dans sa naïve admiration, en embrassant Mariette sur les deux joues de cette bruyante façon qui a fait proverbe.

C’est au moins ton amoureux, ce beau garçon-là, poursuivit-elle tout bas à l’oreille de Mariette en désignant Étienne.

— Chut ! nourrice, dit la jeune fille tout bas aussi. Il s’agit de le traiter encore mieux que moi. Il faut que tout soit pour lui : le meilleur morceau, la meilleure place, le plus doux sourire et la meilleure parole, tout cela par amour pour votre petiote, ma nourrice.

― On fera de son mieux, va, la fille ; on vous câlinera de tout son cœur ; on n’en sait pas plus long, mais c’est bon tout de même.

Se retournant vers le jeune homme, elle lui dit :

— Soyez le bien venu à la maison, mon enfant ; ça ne vous fâche point qu’une pauvre paysanne comme moi vous dise : mon enfant, n’est— ce pas ? Dame ! c’est ce qu’on a de meilleur à dire, voilà pourquoi je vous appelle ainsi.

Si je n’étais pas si ridée, continua la bonne femme, je vous embrasserais pour vous témoigner combien je suis aise de vous voir tous les deux. Mais de vieilles figures comme la mienne, ça n’a plus rien d’attrayant pour des jeunesses comme vous. Il n’y a que le cœur qui gagne à vieillir ; c’est comme les arbres : les plus vieux portent les meilleurs fruits. Aussi, je mets tout mon cœur à vous faire fête.