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L’ONCLE ISIDORE

— Me voilà, je crois, plus heureux que je ne le mérite, reprit Étienne entre deux sourires ; car je ne me rappelle pas avoir rien fait pour mériter une si charmante attention : vous être faite si belle en pensant à moi !

— Vous dites la vérité en riant, M. Étienne, murmura-t-elle. Puis elle s’arrêta tout à coup, soupira et reprit : vous alliez vous promener ?… Je ne veux pas vous arrêter, quoique j’aie fait depuis plusieurs jours le projet de passer mon dimanche avec vous… Aussi à moins que cela ne vous dérange, je vous suivrai sur la montagne.

Mais Etienne s’écria :

— Sur la montagne ! avec moi ! non, non, jamais.

Le pauvre enfant ne pouvait envisager de sang-froid l’idée d’une pareille injure faite à ses belles amours.

Là où il avait vu Mme Hélène traîner les longs plis de ses peignoirs de batiste ; là où son pied mignon s’était posé sur les herbes et les cailloux ; là où il avait vu sa silhouette se détacher svelte, gracieuse, comme une fleur de l’air, tantôt sur le fond bleu du ciel, tantôt sur le roc sombre et moussu de la montagne ; là où il avait entendu sa voix, où elle l’avait enivré de ce bonheur sans pareil : — écouter la parole de la femme aimée résonnant pour nous seul, parcourant à notre intention toutes les notes charmantes de la gamme affectueuse ; là, sur cette montagne sanctifiée par son passage, voir une autre femme aller, venir, parler, chasser par sa présence toutes les chères images, tous les souvenirs enchanteurs ; effacer des sentiers la trace des pieds aimés, arracher tous les parfums pénétrants de son être