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L’ONCLE ISIDORE

voulez. — Je vous répéterai que je suis impropre à être protégé, pour deux raisons : la première, c’est que je n’ai plus la foi en moi…

— Oh ! interrompit la jeune femme, que la parole sérieuse du jeune homme dominait et attristait.

— La seconde, poursuivit Étienne, c’est que je ne suis pas humble, ni fait à la soumission ; enfin, je ne me sens pas assez fort pour savoir accepter avec la grandeur nécessaire à cet acte.

— Le méchant cœur, dit Mme Hélène en faisant mine de retirer sa main de la main d’Étienne.

— Non, reprit-il vivement, je n’ai pas le cœur mauvais. Seulement j’ai souffert ; j’ai souvent été blessé, je suis devenu méfiant à l’égard des autres et de moi-même.

Étienne était redevenu tout à coup l’homme qu’il était avant d’avoir laissé sa jeune force et sa virile volonté s’endormir dans le rêve et dans l’inaction. L’enfant avait presque disparu ; il ne restait plus de lui que la grâce et le charme qui s’harmonisaient à sa voix grave et à l’éclair intelligent et triste de ses grands yeux.

— Merci, madame, continua-t-il avec une certaine fierté. Vous avez été bienveillante au-delà de ce que méritait « votre sauvage », dit-il d’une voix douce et basse ; vous avez eu la plus noble de toutes les charités : celle du cœur.

Parce que vous me saviez seul, sans affection, vous avez laissé venir jusqu’à moi votre sympathie, faisant tomber votre belle main dans les miennes, comme un gage de votre loyale amitié.

Quoi que ce soit qu’il advienne de ma vie, madame,