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L’ONCLE ISIDORE

ner, faire ce qu’il appelle son tour par la ville ; rentre pour se mettre à table à cinq heures ; à six, se rend à son cercle et, pour rien au monde, ne dérangerait quoi que ce fût à cet ordre de choses, qu’il trouve parfait de tout point.

La sœur de cet ancien chef de division, de cinq ans moins âgée que lui, est, depuis quarante ans, la première servante dans la maison de son frère. Cela n’empêche pas la pauvre femme d’être pénétrée, pour le chef de la famille, d’une reconnaissance et d’une vénération qui furent les bases premières de la réputation de bienfaisance, de moralité et de vertu, dont jouit l’être égoïste et personnel par excellence qu’on appelle Isidore Letourneur.

Voici, en le prenant à l’origine, comment cet état de choses s’est établi.

Mlle Adèle Letourneur avait épousé, avec la modeste dot indispensable, de vingt-quatre mille francs, un officier en garnison à Candelair, lequel, après quelques années de mariage, était mort dans son lit de la plus prosaïque de toutes les fièvres typhoïdes. Il laissait sa veuve plus riche d’une petite fille de cinq ans et de quelques mille francs de dettes.

À cette époque, Isidore Letourneur avait déjà acheté et payé en partie la Chartreuse. Il venait de faire par lui-même la triste expérience de ce que peut perdre une maison lorsqu’elle reste livrée à une servante, ne fût-ce que pendant les heures qu’il passait, de la plus exemplaire façon, à son bureau de la préfecture.

Connaissant l’activité et l’économie de sa sœur, il se dit qu’il ferait une excellente affaire en lui donnant la haute main dans son intérieur.