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L’ONCLE ISIDORE

C’était une mélodie toute pleine de sentiment, que la jeune fille chantait avec des paroles dans le dialecte du pays, ce qui donnait quelque chose de tout particulier à son chant en lui ôtant la banalité des romances que les couturières ont la réputation de savoir en grand nombre, et de chanter avec beaucoup trop de bonne volonté.

Étienne fut heureux de cette diversion. Il se laissa bercer par la voix harmonieuse de la jeune fille. Dire comment, en écoutant Mariette, Étienne en vint à songer à Mme Hélène, nous ne l’expliquerons pas : ce sont des sautes d’esprit pour lesquelles, malgré les progrès de la science, il n’y a pas de boussole.

Toujours bercé par la voix douce et fraîche de Mariette, il murmurait intérieurement :

— Que je voudrais l’entendre chanter aussi, que sa voix doit être plus douce et plus fraîche encore !

Absorbé par ses pensées intimes, il avait abandonné le livre qu’il faisait tout à l’heure semblant de lire.

Mariette, qui avait jeté vers lui un regard aussi timide qu’affectueux, éprouva une joie immense à le voir ainsi calmé, reposé, l’âme endormie pour ainsi dire.

Ce fut avec un orgueil du cœur plein de tendresse qu’elle reprit la vieille chanson sur le même ton doux et presque effacé, pour continuer au jeune homme l’état de bien-être dans lequel elle le voyait.

L’amour des filles du peuple se compose d’autres éléments que l’amour des femmes du monde. Cela se comprend et s’explique au reste par l’avenir différent qui leur est réservé. La fille du peuple, plus libre d’allure et de pensée, est elle avant toute chose. Elle porte en elle, comme tous les êtres créés, l’instinct de sa conservation,