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LA PERLE DE CANDELAIR

Mme Daubrée s’était un peu remise de son effroi de l’avant-veille ; sa neuvaine, d’ailleurs, la calmait légèrement. Elle ne put résister au désir de faire causer son petit-fils sur ce lieu de perdition. Mais la bonne dame avait compté sans l’humeur sauvage d’Étienne, qui, aux premiers mots de sa grand’mère, se dit fatigué et se retira dans l’embrasure de la fenêtre la plus éloignée.

Étienne, qui savait sa grand’mère par cœur, sentit bien qu’il n’aurait pas écouté les deux premiers mots de ce qu’elle allait lui dire sans en avoir été blessé mille fois. Il craignait, plus que sa propre souffrance, le mouvement de mauvaise humeur qu’il n’aurait pu s’empêcher d’éprouver contre elle, et il s’était hâté de fuir.

On se demande pourquoi l’intimité manque à certaines familles !

Mariette, qui avait le cœur gros de l’éloignement momentané d’Étienne, ne se sentit pas non plus le courage de continuer à donner la réplique à Mme Daubrée, qui s’entretenait avec une ardeur de vieille femme, de dévote et d’esprit oisif, des mille choses lilliputiennes de l’existence matérielle des autres.

La brave dame désappointée, se mit à ranger, tout en faisant elle-même les demandes et les réponses, le linge que Mariette avait raccommodé depuis le matin.

Quand la soirée fut assez avancée, et que le long silence des deux jeunes gens eût pu à la fin paraître étrange, Mariette, ayant vu à la physionomie d’Étienne qu’il n’était pas décidé à le rompre, se mit à chanter doucement, à demi-voix, une vieille chanson dont le rhythme primitif avait quelque chose d’une suave naïveté.