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LA PERLE DE CANDELAIR

leur teinte blafarde et les coins qui vont en s’affaissant ne marquaient l’absence complète d’intelligence, ainsi qu’une de ces indifférences profondes et invétérées comme une maladie héréditaire.

Seul, un petit œil gris donne quelque chose de vivant à son visage. Cet œil est sans cesse affairé, toujours en quête, et peu de choses lui échappent dans le voisinage. C’est l’œil d’une commère sous le front d’un idiot.

M. Isidore Letourneur a la passion du cancan : voir et raconter sont les deux grandes occupations de son existence, qui n’a jamais été plus active que depuis qu’il est à la retraite. Personne aussi bien que lui ne peut dire les saints échangés et les rencontres commentées, là est le réel triomphe de M. Letourneur ; et soyez assuré que l’explication n’est charitable que lorsqu’il n’y a pas moyen de faire autrement, et encore ! car il n’y a pas si sot qui ne soit intelligent pour le mal.

Avec cela, méticuleux comme une vieille fille. Notre homme ne supporte autour de lui ni chats, ni chiens, ni enfants ; les oiseaux même du jardin le gênent. Il a la campagne en horreur ; aussi, non-seulement il n’y va pas, mais encore il n’a jamais pu comprendre ceux qui vont y passer des mois entiers.

Isidore Letourneur n’est à l’aise et réellement dans son milieu que lorsque son pied heurte les pavés inégaux de la Grande-Rue ou de la place de la Comédie.

Méthodique à mettre en défaut la plus exacte horloge, il se lève régulièrement à la même minute, ne souffre pas un instant de retard dans l’heure ; marquée pour ses repas ; il sort s’il fait beau, pour aller, après son déjeu-