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L’ONCLE ISIDORE

Allons, Étienne, faites un bouquet pour votre beau rêve, et portez-le-lui au milieu du feu, puisque votre rêve le veut.

Ah ! mes chères amours, mes premières, mes belles amours ! murmura-t-il d’une voix d’une douceur ineffable, en cueillant une à une les fleurs délicates de la montagne. Comme je l’aime ! pensa le jeune homme, tout haut, sur cette cime où personne ne pouvait l’entendre, comme je l’aime !

À quoi te mènera cet amour ? dit tout bas, au cœur d’Étienne, cette partie désenchantante et mauvaise, que toute créature porte en elle.

Et que m’importe ! mon bonheur n’est pas un chemin que je suis pour arriver ailleurs. C’est un état heureux dont je demande à ne jamais sortir.

Le but ? Et que me fait le but ! Sais-je même s’il y en a un. Je suis heureux.

Mon Dieu conservez-moi mon bonheur !

Étienne fit un bouquet ; mais il serait difficile de dire les baisers que ses lèvres envoyèrent aux fleurs. Compte-t-on les baisers quand on aime, à vingt ans, avec une nature comme la sienne ?

Le soleil, qui montait, fit l’air plus chaud ; peu à peu il pompait la rosée ruisselant sur les plantes, rares à cet endroit. Étienne choisit dans le roc une anfractuosité profonde ; il y mit son bouquet à l’abri de la chaleur, en l’entourant de mousses humides.

Brisé par toutes les émotions qui l’avaient agité la veille, il s’étendit sur le roc, se couvrit le visage de son grand chapeau de paille, et s’endormit de ce sommeil de plomb qui suit généralement les insomnies prolon-