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LA PERLE DE CANDELAIR

angle terrible, presque suspendu sur l’abîme, où son esprit avait en songe transporté la jeune femme. La pierre était là : il s’y assit.

Tout autour de lui il vit les fleurs fraîches, humides de rosée ; l’air arrivait à son front presque glacial et non brûlant comme pendant la nuit. Les lichens qui couvraient le rocher faisaient une nappe humide sous ses pieds.

Il trempa ses mains dans toute cette eau du ciel, il s’en rafraîchit le visage, avec une joie d’enfant, puis il enfonça son front dans ses deux mains réunies et se prit à penser longuement.

— J’irai, dit-il tout à coup en relevant son beau visage rasséréné, quoique pâli par la fièvre et l’insomnie. Que me fait la forme, à moi ! Et puis, la forme, que me pourrait-elle faire, sinon me rendre semblable à tous les autres, alors que je ne veux ressembler à personne !

Ai-je, jusqu’à présent, marché dans les sentiers battus ? Non. On m’a fait une vie à part ; je l’accepte telle qu’on me l’a faite. Je ne lutterai plus avec ces misères qui, se renouvelant sans cesse, à toute heure, renaissant de leurs cendres, comme le phénix, composent une armée redoutable par le nombre ; chaque mirmidon de cette cohorte immense me faisait dépenser un fétu de ma force, je me trouverai à la fin épuisé, anéanti, brisé, et par quoi ? par des misères !

Non, non, je ne lutte plus avec ces épines microscopiques. Je saute à pieds joints sur le monstrueux fagot ; je suis moi, je reste moi. Je ne veux pas, avec ma force et mes vingt ans, me briser moi-même.

Je vis, je veux vivre.