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L’ONCLE ISIDORE

C’est un si brave homme que ce M. Isidore Letourneur !

À l’époque où commence notre récit, il peut avoir soixante-huit ans. Il est grand, mince et maigre, de cette maigreur flasque sous laquelle on ne sent ni les nerfs ni la vigueur. Quelques méchantes langues affirment l’avoir de tout temps connu tel qu’on le voit aujourd’hui, et presque aussi vieux d’allure et de visage.

Ses nombreux amis prétendent de leur côté qu’il ne paraît pas avoir plus de quarante ans. « C’est à la pureté de vos mœurs, lui disent-ils, à la moralité de votre vie, à la sévérité de votre conscience que vous devez cette belle vieillesse. »

M. Letourneur a troqué ses cheveux contre la fortune.

Depuis longtemps, en effet, l’oncle Isidore n’a plus de cheveux ; mais son crâne chauve est loin de montrer cette belle teinte d’ivoire jauni, qui prête quelque chose de vivant, comme un reflet de la pensée active, aux têtes dénudées par le travail et la fièvre de l’esprit. Tout au contraire, chez lui le cuir chevelu, qui, sans pudeur, offense l’œil, est décoloré, gras, terne ; il a l’aspect malsain de certains corps gélatineux, et prévient tout d’abord contre l’individu qui en est affligé.

Le visage est bien en rapport avec le dessus de la tête : pas une teinte vive ne saute à l’œil, pas une arête n’accroche le regard, pas une ligne énergique ne fait saillie. Pourtant, le nez est proéminent et la bouche est meublée de dents longues et jaunes assez semblables à des touches de piano souvent maniées par des mains peu soigneuses et peu soignées.

Les lèvres, un peu épaisses, dénoteraient la bonté si