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LA PERLE DE CANDELAIR

tences, les abstinences, les jeûnes sont impuissants à donner ces mines ternes, macérées, ascétiques, malheureuses et souffreteuses à la fois, que les humeurs chagrines et avaricieuses, que les pensées mesquines et étroites enfantent si rapidement et d’une manière si générale.

Il est avéré, pour les gens quelque peu observateurs, que chaque homme a plutôt la physionomie de son esprit que l’aspect que devrait lui donner sa façon de se nourrir.

Les gens de la Chartreuse avaient l’air bien autrement bilieux et résigné que plantureusement nourris. Ce fut là le succès de la mauvaise plaisanterie de Thomas.

Pour la forme, et seulement parce qu’il croyait de sa dignité d’en agir ainsi, l’oncle Isidore avait l’air de ne prêter aucune attention à ce qui se disait à l’auberge ; mais il en était profondément atteint dans sa vanité. Malgré sa parcimonie, s’il eût pu acheter pour lui, pour sa sœur et même pour sa servante, une mine fleurie, aucun sacrifice ne l’eût arrêté.

Sans changer d’allure vis-à-vis d’Étienne, dans le secret de son cœur il sentait son indifférence et sa sévérité se fondre au contentement journalier que lui donnait son neveu ; car il ne se dissimulait pas que le petit-fils de sa sœur était le seul dont l’allure fière, jeune et forte faisait honneur à la maison.

Il n’en disait pas moins de temps à autre à sa sœur :

— Si pourtant votre petit-fils s’était fait recevoir avocat, comme cela irait bien à ma Chartreuse !