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L’ONCLE ISIDORE

de dompter les sauvages, sans doute, mais qu’il serait bien autrement flatteur encore de les civiliser. Elle ne songeait à rien moins, la Parisienne influente, qu’à parler chaudement de son montagnard à son cousin le ministre.

Quant à Étienne, il ne se doutait de rien, et jouissait de tout son cœur de cette belle journée qui devait rester longtemps dans son souvenir.

Cette promenade se renouvela souvent, agrandissant chaque jour chez Étienne l’admiration naïvement passionnée qu’il avait pour Mme Hélène. Il ne s’attristait plus en rentrant à la Chartreuse. À force de bonheur intime, il en était arrivé à une entière et superbe indifférence pour tout ce qui n’était pas la jeune femme.

Ses rêves d’avenir ne dépassaient plus maintenant l’espérance d’une rencontre prochaine.

Après avoir peu à peu traité les sujets faciles et légers, on en vint aux graves questions de l’art.

Étienne était le plus jeune non-seulement par l’âge, ce qui est quelquefois très-peu de chose, mais surtout par la droiture de son esprit, par la vigueur de tout son être moral, qui n’avait été faussé par rien des choses d’un monde dont son extrême pauvreté l’avait toujours tenu éloigné.

Ce fut lui, tout naturellement, qui se mit le plus bravement à découvert. Il avait, dans un corps sain, l’âme la plus saine qui fût au monde ; aussi ce fut une admirable chose que sa profession de foi.

M. de Ferrettes était toujours d’une extrême franchise quand la chose se passait, dans son for intérieur, vis-à-vis de lui-même. Il se demanda s’il avait jamais eu,