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LA PERLE DE CANDELAIR

— Vous me faites suer avec vos grands airs. Quoi ! reprit l’aubergiste, quelle pitié de voir toute une maisonnée faire ventre de paille pour étaler habits de velours. Jetant vers la Chartreuse et son propriétaire un regard de profond mépris, il ajouta en étalant avec complaisance son énorme personne : — Ce n’est pas comme chez moi bonne table, bon feu et bonne humeur d’un bout de l’année à l’autre bout. Pourtant nous ne faisons pas les fiers comme vous, tas de crève de faim que vous êtes !

— Vous mourrez d’une attaque, mon brave homme, répondit l’oncle Isidore en fermant la porte de son jardin au nez de l’aubergiste qui continua encore quelques moments ses invectives d’une voix de stentor, mais qui, de guerre lasse, rentra chez lui, emportant contre son voisin une haine profonde, une de ces haines aveugles, terribles comme les gens du peuple, entêtés, grossiers, sans intelligence, sont seuls capables d’en nourrir, une véritable haine de sauvage.

Lou-Pitiou était depuis le matin rentré à la niche, qu’il partageait avec les auteurs de ses jours. Entendant la voix grondeuse du maître du logis, qui s’en prenait de sa mésaventure un peu à tout le monde, un peu à chaque chose, il jugea prudent de filer de sa retraite sans attirer sur lui une attention qui se manifestait assez généralement par quelques horions à son adresse.

Le voilà rasant le mur, se glissant du côté de la porte, sans faire crier un brin de paille, sans faire le moindre bruit, dans la crainte d’attirer l’attention sur sa chétive personne.

Son travail allait être couronné d’un succès bien mé-