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L’ONCLE ISIDORE

— Que se passe-t-il ? demanda d’un coup d’œil le jeune homme à sa grand’mère.

Celle-ci lui répondit dans le même langage en jetant sur son frère un regard navré, qu’elle reporta vers le ciel, comme s’il ne se fût pas trouvé ailleurs de remède à leurs peines.

Il est assez probable que la brave dame eût été en peine de donner une explication raisonnable de la cause de tous ses soupirs.

Ce qu’il y avait de plus clair pour elle, c’est que son frère était furieux, c’est qu’il s’était laissé aller, lui, si calme toujours, à une colère qui n’avait pas de précédent ; qu’il avait, à peu de chose près, mis son voisin Thomas à la porte, lui qui jusqu’alors avait vécu en si parfaite intelligence avec tout le monde.

Vu cet état de choses tout à fait insolite, il lui semblait qu’elle ne pouvait faire autrement que de partager son irritation. De là à la traduire ou à en déduire les causes, il y avait loin.

Au bruit des pas du jeune homme, M. Letourneur releva la tête. Son mauvais regard s’arrêta sur Étienne, le toisant de la tête aux pieds d’un air méprisant, il lui dit d’une voix aussi désespérée que colère :

— Vous êtes un paresseux, un vagabond ; dire même que vous ne serez jamais avocat !

De sa grande main sèche il frappa sur le tas de papiers d’où il fit voler un nuage de poussière.

— Ma foi ! mon oncle, vous me permettrez de vous dire qu’il n’y a pas de ma faute, répondit Étienne.

Le vieillard n’avait point fait tous ces reproches à la fois pour entamer une discussion ; aussi continua-t-il :