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LA PERLE DE CANDELAIR

reçue. Dans leurs positions réciproques, il en éprouvait un certain malaise.

Le chien meurt de faim ne blessait en rien la vanité du maître, aussi pauvre qu’orgueilleux, tandis qu’à cette heure, il était mal à l’aise, monsieur Étienne.

Ce qui pourrait être une preuve de plus à l’appui de cette vérité, qui a tout l’air de friser le paradoxe, que si le nombre de ceux qui savent donner est bien petit, bien plus petit encore est le nombre de ceux qui savent recevoir.

La pacifique Chartreuse était, ce soir-là, fort en émoi contre son habitude.

L’oncle Isidore n’avait point été au cercle ; il avait tiré d’un vieux secrétaire un gros paquet de paperasses, au milieu desquelles il fouillait, avec une impatience peu commune, tout en marmottant je ne sais quelles imprécations entre ses grandes dents jaunes.

Mme Daubrée, qui savait sans doute la cause de toute cette colère, la partageait dans la mesure de ses forces. Pour témoigner de son inquiétude, de son irritation, la béate créature levait fréquemment les yeux au ciel, soupirait en poussant des exclamations dévotieuses, d’une voix si basse, qu’elle s’entendait à peine elle-même, mais elle n’en continuait pas moins consciencieusement ses : « Jésus ! Seigneur ! Bonne vierge ! Mon Dieu ! » tout cela en tricotant avec une attention bien méritoire, vu l’état d’inquiétude où elle semblait se trouver.

La servante dressait de son mieux la table pour le souper, en faisant le moins de bruit possible, lorsque Étienne rentra dans ce milieu, si peu semblable au milieu de la veille.