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L’ONCLE ISIDORE

— Je ne vous en veux pas, M. Jussieux, cela me fait de la peine, voilà tout.

Ce peu de mots avaient été dits d’une voix franche et simple qui toucha le jeune homme et le troubla jusqu’au fond du cœur. Il reprit néanmoins, tout en s’efforçant de sourire :

— Je me connais, voyez-vous, madame. J’accepterais d’aller écouter de bonne musique, parce que j’adore la musique ; l’idée d’entendre causer de Paris, de sa littérature, de sa vie, de sa politique et de ses théâtres, qui sont uniques au monde, est pour mon esprit une attraction immense. Aussi, si je n’écoutais que mon désir actuel, je vous dirais : — Mille fois merci, madame, et je m’empresserais de profiter de la permission que vous m’octroyez si gracieusement.

Mais, entre le désir et la mise à exécution de ce désir, il y a une habitude quotidienne, invétérée, qui serait une insurmontable entrave : chaque matin, je me promettrais très sincèrement à moi-même d’aller chez vous ; mais je sens que, tout en rêvant musique, causerie, je prendrais le chemin de la montagne.

À la longue, j’aurais tant rêvé causerie et musique, que je me figurerais n’être pas un grossier personnage, et n’avoir pas omis de me rendre à une invitation que vous auriez été assez bonne pour m’avoir adressée.

— Vous avez tort, monsieur Étienne, répondit Mme Malsauge à demi-voix. Il n’est pas bon, à votre âge, de vivre toujours seul.

Le regard de la jeune femme après avoir été tour à tour gracieux, caressant, plein de charme et de coquetterie était devenu sérieux, presque grave.