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L’ONCLE ISIDORE

n’ai absolument aucune fortune personnelle, qu’à Paris je travaillais pour vivre, je ne m’étais pas mis en frais de toilettes inutiles ; je n’ai donc rien des vêtements nécessaires à un homme qui veut aller dans le monde.

Vous connaissez assez M. Letourneur pour savoir que ce n’est pas lui qui viendra jamais au secours d’une fantaisie, prît-elle les proportions d’une douleur.

Racontez donc bien, à tous, ce qui s’est passé en moi, quand, faute d’un habit, je me suis vu forcé de rester dans mon isolement, qui me pèse parfois étrangement.

Dites à tout le monde que j’ai pleuré sur la montagne, à l’idée d’être toujours seul ; que j’ai pleuré encore en regardant les fenêtres qui s’éclairaient, en songeant qu’à cette heure je pouvais être au milieu de gens heureux, gais, qui m’eussent fait oublier un moment que je ne l’avais jamais été, et de la gaieté desquels j’aurais peut-être remporté quelque chose. Ceci, toutefois, n’était rien ; ce n’était qu’une douleur de plus.

Étienne s’était levé ; accoudé au dossier de la chaise sur laquelle Mariette appuyait ses pieds, il lui parlait de près, d’une voix vibrante, saccadée, Mariette l’écoutait en pleurant silencieusement. Le linge étalé sur ses genoux buvait ses larmes, qu’Étienne ne voyait même pas.

— Mais ce qui était terrible, mais ce qui me torturait, continuait le jeune homme, c’est qu’il me fallait être un grossier personnage, un malappris ; me voir au ban de l’opinion de tous les gens bien élevés, ou rendre une visite pour cette invitation qui m’avait été si bienveillamment adressée par un homme plus âgé que moi et occupant une position éminente, tandis que je ne suis pres-