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LA PERLE DE CANDELAIR

que ma patience est à bout. Vous ignorez encore tout cela, vous ; mais, moi, je suis las de ce que je vois chaque jour ; et, s’il me faut aussi me méfier de ceux de mon âge, alors que j’ai cru, après tant d’autres, que la jeunesse était comme le tabernacle où se conservaient tous les sentiments nobles et bons, chassés d’ailleurs par les passions mauvaises, s’il me faut encore désespérer de l’avenir, après avoir eu un si douloureux passé, la vie ne vaut pas la peine que l’on prend de la défendre.

Hélas ! si les jeunes femmes même ont le cœur vicié, de quel côté nous faudra-t-il donc tourner nos rêves et nos espérances ?

Étienne lâcha tout à coup la main de Mariette, comme s’il eût un moment oublié sa présence. Il se laissa aller sur sa chaise, prit sa tête entre ses deux mains et resta entièrement absorbé dans sa douleur.

Mariette le regardait sans rien dire, désolée du mal qu’elle venait de faire, et s’avouant qu’elle n’avait jamais trouvé Étienne aussi beau que dans sa colère.

Les filles du peuple ne craignent pas les hommes énergiques ; elles ont même une certaine admiration pour leur force, pour leur caractère, et les côtés saillants de la virilité ne les désenchantent point.

Elle se dit tout bas qu’elle n’avait jamais autant aimé Étienne que depuis qu’il lui avait meurtri la main ; et quoique cela fût triste à reconnaître, plus elle le trouvait beau, moins elle voulait partager, par contre, plus elle était acerbe, prête aux répliques violentes, dût-il même en souffrir encore, quelque douleur qu’elle dût au reste en éprouver elle-même.

— Écoutez, Mariette, dit tout à coup le jeune homme