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L’ONCLE ISIDORE

— Mais vous n’avez pas d’amitié pour moi, continua-t-il.

— Ah ! pouvez-vous bien dire une pareille chose ! s’écria Mariette en laissant tomber son ouvrage sur ses genoux, pour regarder le jeune homme d’un beau regard humide. Moi qui me ferais couper en quatre pour vous ! moi qui sauterais à pieds joints dans le feu, pour vous faire plaisir !

— Je ne vous en demande pas autant, continua Étienne. Sans être fat, il ne pouvait se dissimuler que la jeune fille avait en effet plus d’affection pour lui qu’il ne voulait avoir l’air de le croire. — Je voudrais seulement que vous me laissiez le plaisir de causer avec vous sans y mêler toujours des mots aigres et méchants, sans être, dès le début, au paroxysme de la colère. Laissez donc à mon oncle, à ma grand’mère, concurremment avec M. l’abbé, le monopole des sermons. Vous êtes trop jolie, ma chère enfant, pour qu’on vous évite ainsi qu’on le fait d’eux, sans en être chagriné.

— Pardonnez-moi, monsieur Étienne, dit la jeune fille en sentant que les larmes allaient couvrir sa voix ; pardonnez-moi ce que je vous ai dit. Ce n’est pas méchamment, au moins ; je ne voudrais pour rien au monde vous voir un chagrin ; mais je serais bien autrement malheureuse, si je savais que j’aie été assez sotte pour vous faire de la peine. Il ne faut pas m’en vouloir : je ne suis pas savante ; je ne suis pas même une fille bien élevée. On ne m’a guère appris autre chose qu’à travailler, et je sais bien que, malgré moi, j’ai quelquefois la façon de parler de ma mère ou de mon père, ce qui n’est guère le moyen de me faire comprendre de vous.