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jeudi 18 août. — 1870.

était florissant : aujourd’hui la plupart de ses magasins sont fermés. Il y a dix jours, elle était riche ; aujourd’hui elle est pauvre et n’a plus dans ses coffres que des chiffons de papier sans valeur. Il y a dix jours, elle était brillante et coquette ; aujourd’hui ses places publiques, son incomparable place Royale, la place de la Cathédrale, etc., ressemblent aux écuries d’Augias ; les chevaux de l’étranger courent sur les trottoirs et s’abreuvent aux belles fontaines de Stanislas. Il y a dix jours, nos salons étaient encore dignes d’une ancienne capitale ; aujourd’hui les salles à manger, les salons, les boudoirs servent de dortoirs aux Prussiens, aux Bavarois, aux Wurtembergeois et autres peuples ligués contre nous, devant lesquels nous sommes obligés de renfoncer nos larmes patriotiques. Il y a dix jours, nous étions en communication littéraire, scientifique, commerciale, politique ou familière avec le monde entier ; aujourd’hui notre horizon s’étend à quatre kilomètres ; nous sommes enfermés dans un cercle de fer que ne franchit plus ni un journal, ni une lettre, ni une revue, ni la plus intime communication de famille. Où sont nos chemins de fer ? Où nos télégraphes ? Où nos postes ? Où est enfin tout ce qui fait la vie d’une nation ?

« Hélas ! hélas !

« Mais les campagnes, c’est un bien triste spectacle, encore mille fois plus triste, mille fois plus désolant. Les greniers à fourrage sont vides : plus de foin, plus de trèfle, plus de paille. Les greniers