Page:Lacroix - Journal d'un habitant de Nancy, 1873.pdf/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
jeudi 18 août. — 1870.

dire, mais en levant les mains au ciel et en faisant un signe de croix.

Il s’est livré une grande bataille près de Metz, sur le plateau de Gorze. Bazaine a tué beaucoup de monde à l’ennemi, mais on dit qu’il n’a pu s’ouvrir la route vers Châlons et qu’il a dû se replier sur Metz. Ainsi sa jonction avec Mac-Mahon deviendrait impossible, et notre meilleure chance de salut nous serait enlevée. Cette nouvelle nous consterne. On en voudrait douter, mais malheureusement elle se confirme. Un exprès dépêché à Louis Grandeau par son père, vient de lui apprendre que Pont-à-Mousson est occupé par le roi Guillaume et son état-major. Le roi de Bavière, le grand-duc de Bade, le comte de Bismarck, l’américain Shéridan l’accompagnent. Le roi de Prusse a choisi pour demeure la maison même de M. Grandeau père. Ainsi voilà tous les pressentiments de mon vieil ami non-seulement réalisés, mais dépassés. Jugeant avec une raison toujours sûre le triste règne qui s’achève, toujours en garde contre les illusions que l’on se faisait sur les destinées du second Empire, M. Grandeau m’avait constamment prédit qu’il ne pouvait finir que par une catastrophe, l’invasion étrangère ou une révolution, et peut-être toutes les deux à la fois. Et voilà qu’en attendant le second fléau, qui paraît inévitable, c’est chez lui que le premier s’accomplit, et c’est dans sa salle à manger, c’est à sa