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mercredi 17 août. — 1870.

de plus déplorable, c’est que ces fuyards se complaisaient dans ce désordre, et qu’ils envoyaient promener insolemment les officiers qui s’efforçaient de les rallier. Ainsi donc, ce n’est que trop vrai, le désordre, l’indiscipline, le mépris de l’autorité règnent chez nous, dans l’armée, comme dans tout le reste du corps social. C’est la terrible maladie qui nous travaille et qui nous emportera, si nous ne savons y remédier. Il faudra y songer au plus vite, quand le moment sera venu de tirer parti de la leçon que Dieu nous inflige.

Par courtoisie et pour nous consoler, le docteur Petermann nous dit que si nous avons bien des reproches à nous faire, rien de ce qui nous arrive n’aurait eu lieu, sans la politique extravagante de Napoléon III. — « C’est lui, dit-il, qui a lancé dans le monde le principe des nationalités et la pratique des annexions que l’on va retourner maintenant contre vous, par la revendication de vos provinces de langue germanique. C’est lui qui a fait déclarer par sa diplomatie qu’il voulait une Prusse grande et forte, et qui a favorisé le premier essor de cette puissance qui vous écrase. C’est à votre Napoléon qu’il faut surtout vous en prendre, car il est le principal artisan de votre ruine. Votre tort est de l’avoir toujours acclamé, et de n’avoir compris que ses fautes vous perdent que quand il n’est plus temps d’y remédier. — Non, docteur, repris-je, nous n’avons pas tous été dupes ou complices des sottises de notre maître. Sans doute, elles ont été