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mercredi 17 août. — 1870.

n’ont personnellement rien d’hostile contre la France. Ils le disent partout, et parlent avec aigreur des Prussiens, qui les poussent en avant quand il s’agit de combattre, et qui passent ensuite les premiers quand il s’agit de se refaire, pour avoir le meilleur du pays occupé. — Oui, mais ces griefs n’empêchent pas qu’ils les suivent, et qu’ils les aident de bon cœur à nous écraser.

Visite à M. Louis Grandeau, le fondateur de la station agricole de Nancy, et notre collègue à la Faculté des Sciences. Je trouve chez lui le docteur Petermann, chimiste saxon, qui depuis deux ans l’assiste dans ses travaux de laboratoire, le docteur Brigham, de Boston, qui sait tant de choses sur la guerre de sécession d’Amérique, et le docteur hollandais Keiwitz, l’organisateur à Nancy des ambulances de la Société internationale, pour l’assistance des blessés. On s’attable au jardin, pour prendre le café, en fumant le cigare, comme au bon temps de la paix. Mais la conversation est toute à la guerre, à nos défaites, à nos fautes et à nos misères.

Louis Grandeau habite au faubourg Saint-Jean, au-dessus de la gare du chemin de fer, ce qui lui a permis de voir l’arrivée et le départ des fuyards de l’armée de Mac-Mahon. Rien de triste comme cette affreuse débandade. C’était un délabrement et un désordre indescriptibles, et ce qu’il y avait