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du dimanche 7 au jeudi 11 août. — 1870.

blessés. Ce commandant est un homme d’une figure mâle et douce à la fois ; son front incliné, ses yeux baissés, qui ne se relèvent pas quand il parle, lui donnent cet air absorbé que l’on a quand on cherche la solution d’un problème. Ce problème qui le préoccupe, c’est celui de savoir comment des soldats français ont pu être vaincus, « Figurez-vous, me dit-il, que nous n’étions que quatre divisions contre dix, et encore nous n’avions que l’artillerie de trois divisions. C’est avec leur artillerie qu’ils nous ont écrasés. Ah ! sous ce rapport, ils sont mieux armés que nous ; encore ont-ils besoin de la supériorité du nombre pour nous vaincre. Quant, à leur infanterie, elle nous craint, et n’a pas osé se montrer. Pourtant, si le général de Failly ne s’était pas trompé de chemin, s’il avait pu nous rejoindre à temps, qui sait ce qui serait arrivé ? De leur côté, il leur venait toujours de nouveaux renforts, tandis que nous étions décimés et que les munitions nous manquaient. »

C’est là une partie de la vérité, mais ce n’est pas la vérité tout entière. En entendant ce brave officier expliquer à sa manière notre défaite, je me disais que la faute en est à tout le monde, à nos généraux, administrateurs et soldats, qui vont à la guerre comme on va à la noce, qui s’imaginent que le courage et l’élan suppléent à tout, qui négligent tout le reste pour ne songer qu’à bien faire pendant l’action et qui oublient que sans l’ordre, la vigilance, la discipline, la science stratégique et topo-