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du dimanche 7 au jeudi 11 août. — 1870.

d’abandon saura-t-elle nous tirer de l’extrémité où elle nous a conduits, et conjurer notre ruine qui entraînera inévitablement la sienne ? On voudrait bien le croire encore, mais l’abattement est tel qu’on n’a plus la force d’espérer.

Dans ce moment d’angoisse, je pense au capitaine Petit, et l’idée me vient de l’aller visiter à l’hôpital militaire. J’étais allé le voir assidûment la semaine dernière, autant que me le permettaient les travaux de notre session d’examen. Dans les premiers jours, il était calme et patient, et sa blessure allait aussi bien que possible. Aujourd’hui je l’ai trouvé dans une agitation fiévreuse qui certainement compromet sa guérison. Il s’attend à l’arrivée prochaine des Prussiens, et comme il ne veut pas être prisonnier de guerre, il s’est fait apporter son revolver chargé, pour casser la tête au premier Allemand qui mettra la main sur lui. J’essaie en vain de le calmer. Il n’en veut pas démordre, et je suis obligé de lui laisser son arme, dont je sais bien, du reste, qu’on l’empêchera de se servir.

À côté de lui, dans le second lit de la chambre qu’il occupe, il y a un nouveau venu. C’est un chef de bataillon d’un de nos régiments de ligne, le 47e je crois, qui a reçu un coup de feu à la jambe dans une des rencontres qui ont précédé la bataille de Reichshoffen. Une voiture qui se trouvait là par hasard l’a transporté à Nancy avec quelques autres