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du dimanche 31 juillet au samedi 6 août. — 1870.

les rues, sur les places, tout le monde s’aborde d’un air joyeux. On se serre la main en se félicitant. Il y en a qui pleurent de joie et qui s’embrassent. Cette allégresse dura tout le jour et le soir ; pour l’entretenir, on disait que Sarrelouis avait ouvert ses portes et que nous étions en marche sur Trèves. Mais déjà la réaction se faisait chez plusieurs d’entre nous, et nous revenions de nos premiers transports, en nous disant que nous faisions trop de frais d’enthousiasme pour le baptême, et qu’il fallait en réserver pour la confirmation.

4 août. — Ou le gouvernement donne, comme les journaux, dans la fanfaronnade, ou il faut qu’il soit bien sûr de son affaire. Le service pour l’exploitation des houillières de Sarrebruck s’organise. On nomme le chef et les principaux subordonnés ; on dit que 400 ouvriers sont déjà enrôlés et qu’ils vont partir. M. Vitoux, garde-mines, que je rencontre et qui va occuper un poste important dans ce service, me confirme tous ces bruits qui me paraissaient invraisemblables. Ainsi rien de plus certain : il est bien vrai qu’on prépare tout pour s’installer dans les mines de Sarrebruck, une belle exploitation, ma foi ! qui vaut, dit-on, plus de 500 millions et qui constitue le revenu le plus net du domaine de la Couronne de Prusse ; ce sera magnifique, quand on s’en sera emparé. Mais si l’on ne s’en empare pas, gare au ridicule ! On prête toujours à rire quand on a vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué.