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du 24 au 30 juillet. — 1870.

définitive. Il a vu comment les Prussiens se préparent à la guerre. Tandis que chez nous tout est tapage et mouvement désordonné, là-bas règne une résolution régulière et froide qui va droit au but et qui l’atteint aussitôt. Dès que l’ordre en est venu, toute activité civile a cessé. Le marchand a quitté son comptoir, l’ouvrier a laissé ses outils, le laboureur sa charrue, et tous sont venus offrir leurs bras et entrer dans les cadres où ils ont déjà servi et qui les attendent toujours. « Vous croyez que vous avez de l’avance, disait Mézières en rentrant dans nos lignes, à nos officiers aussi légers que nos hommes d’État et nos diplomates, et qui se flattent comme eux de surprendre l’ennemi. « Détrompez-vous. Ces gens-là sont prêts, plus prêts que nous, et je vous avertis que je les ai vus rassemblés là-bas derrière ces bois et ces collines, en masses profondes. — Ils sont prêts, repris-je, mais c’est effrayant ! Et nous ? — À voir ce qui se passe, il me semble que nous ne le sommes pas. — Mais alors cette guerre, c’est un acte de démence. — Dites plus, c’est un crime de lèze-nation. »

Jeudi 28 juillet. — Les Allemands se préparent à la guerre avec une dureté terrible. M. Henrion, beau-frère de notre collègue Forthomme, a eu toutes les peines du monde pour revenir d’Ems, où il était allé prendre les eaux. On l’a traîné de stations en stations comme un prisonnier. Arrivé à Sarrebruck,