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du 19 et 23 juillet. — 1870.

l’Hôtel-de-Ville, sous les fenêtres de cette grande salle où se font les épreuves écrites et orales, c’est un défilé continuel de fourgons, de canons, de chevaux et de soldats, c’est un bruit incessant de clairons et de tambours, avec accompagnement continuel et agaçant de cette Marseillaise qui décidément me devient insupportable, parce qu’elle est une œuvre de fanatisme révolutionnaire plutôt que de vrai patriotisme. De plus presque tous nos candidats sont engagés dans l’aventure et vont y prendre part, comme aspirants à Saint-Cyr ou à l’École de médecine militaire de Strasbourg, comme gardes mobiles, comme engagés volontaires et bientôt comme conscrits de 1870. En un pareil moment, il faut laisser dormir les règles, avoir la manche large et en finir le plus tôt possible. Aussi nous adoptons un coefficient de guerre qui accommode l’examen aux circonstances, et nous menons les choses si bon train, MM. Godron, doyen de la Faculté des sciences, Chautard, Forthomme, professeurs de physique et de chimie, et moi leur assesseur pour les lettres, que nous achevons le tout en quatre jours au lieu de six qu’on y aurait mis en temps ordinaire. Un secret instinct, l’instinct du marin qui pressent l’orage, nous disait de rentrer chez nous au plus vite et de brusquer aussi la session de Nancy si nous voulions l’achever. Aussi, partis le mardi 19, nous nous retrouvons le samedi soir à Nancy, auprès des nôtres, qui nous reçoivent comme si nous revenions de la mêlée et qui se rassurent