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du 19 et 23 juillet. — 1870.

assurés, un peu trop peut-être, nous réconfortent et nous remplissent de la confiance qui les anime tous. C’est à table qu’on est heureux d’avoir un militaire pour voisin. Les questions et les réponses se succèdent sans interruption, et l’on s’exalte en propos sans fin sur la supériorité du chassepot, sur la puissance meurtrière de nos mitrailleuses, sur la solidité de nos finances, sur le rôle agressif de notre marine, sur notre avance à l’égard de la Prusse, que nos journaux nous représentent comme prise au dépourvu, et se repentant déjà d’être venue se heurter contre l’épée de la France. Puis quand on s’est bien échauffé par tous ces beaux discours, que l’on va le soir se promener sur l’Esplanade, ou autour de la ville, que l’on contemple cette fière cité de Metz entourée de ses triples remparts et de ses larges fossés, flanquée de ses forts qui nous paraissent formidables, entourée de ces camps improvisés de Chambière, du ban Saint-Martin qui sont déjà presque une armée, alors les illusions et les espérances n’ont plus de bornes, et l’on déclare Metz imprenable, la France invincible, la Prusse mise à la raison, et refoulée dans ses limites.

Pendant la nuit il m’arrive toujours que mes idées prennent une teinte toute différente, et que mes sentiments s’assombrissent. Le ballon se dégonfle pour ainsi dire et les illusions s’en échappent avec un sifflement ironique. Combien de fois