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du 19 au 23 juillet. — 1870.

train militaire, y était accourue, comme elle le fait depuis trois jours, pour saluer nos soldats de ses vivats, et leur distribuer des vivres et du vin. J’aperçois sur le quai mon vieil ami M. Grandeau, qui accourt me serrer la main. Il y a bien longtemps que Grandeau me prédit que la politique impériale doit nous attirer tôt ou tard quelque guerre formidable. « Eh bien ! cette guerre, me dit-il, la voilà ! Nous y sommes en plein. Que nous réserve-t-elle ? » Son regard et le ton de ses paroles me faisaient assez comprendre qu’il n’en augurait rien de bon, et que ses inquiétudes s’accordaient avec les miennes. Mais nous nous bornons à nous entendre, sans nous expliquer ; et d’ailleurs, ne faut-il pas toujours s’efforcer de croire qu’il n’arrivera jamais tout ce qu’on redoute ?

Tous les ans la commission d’examen va descendre à l’hôtel de Metz, rue des Clercs. On nous y avait réservé des chambres malgré l’affluence des officiers de tous grades et de toutes armes. J’y ai compté jusqu’à seize généraux à la fois. Dans la même rue, en face, se trouve le grand hôtel de l’Europe, où le maréchal Bazaine a établi son quartier général. Nous voilà donc au centre du mouvement militaire, jouissant à notre aise du spectacle animé qu’il nous offre, et profitant de toute occasion pour entrer en rapport avec ces braves officiers, dont l’entrain, l’allure décidée, les propos