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du 19 et 23 juillet. — 1870.

place de guerre, et que rien ne s’oppose encore à ce qu’on y poursuive les travaux de la paix. Mais nous avons notre session de baccalauréat-ès-sciences à tenir à Metz, la grande place forte de la Lorraine, où tout retentit du bruit des armes, et où l’idée d’aller ouvrir nos paisibles assises, dans un tumulte pareil, a quelque chose d’effarouchant. « Quoi ! vous allez à Metz, nous dit-on, mais c’est courir au-devant de l’ennemi ! — Il faut faire son devoir, et nous devons marcher. — Vraiment, c’est admirable, vous êtes de vrais Romains. »

En réalité, nous savons bien que nous en reviendrons sains et saufs. Mais nous sommes au début d’une crise extraordinaire, et nous ne nous sentons pas suffisamment raffermis contre toutes les émotions qui nous surexcitent, et qu’entretiennent depuis plusieurs jours, l’agitation de la ville, les cris de la foule, le désordre des bandes de soldats qui nous arrivent, le chant continuel de la Marseillaise, tout enfin jusqu’à l’aspect agité et fiévreux de cette gare d’où nous partons pour Metz dans un trouble que nous avons peine à surmonter. Mais au bout de quelques instants, le grand air, le calme des champs ont bientôt rasséréné nos esprits, et nous continuons la route en plaisantant sur notre courage et les prétendus périls de ce que nous appelons notre campagne de Metz.

Nul incident pendant le trajet. Seulement à Pont-à-Mousson, une foule considérable encombre la gare. La population, qui s’attendait au passage d’un