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dimanche, lundi, 18 et 19 juillet. — 1870.

prépare. On en voit même qui broient du noir et qui font les prédictions les plus sinistres. Ils nous annoncent qu’avant peu nous aurons les Prussiens dans nos murs, et que les invasions de 1814 et de 1815 vont recommencer. On se soulève à de tels propos. Mais ces prophètes de malheur allèguent à l’appui de leurs prévisions notre infériorité militaire, qui ne m’est pas prouvée encore et nos dissensions politiques, qui ne sont que trop véritables. Je reconnais avec eux que notre assiette intérieure n’est guères rassurante, que les millions de suffrages dont s’étaie la dynastie napoléonienne ne lui donnent pas la solidité que possède, avec son droit traditionnel, la maison de Hohenzollern, et que les germes de dissolution intestine qui nous travaillent sont de nature à inspirer, dans un tel moment, de sérieuses inquiétudes. Mais je ne puis admettre que nous soyons vaincus sur les champs de bataille. Je compte sur la valeur et l’élan de nos troupes pour compenser ce qu’il y a peut-être d’infériorité dans notre organisation et dans nos forces ; et j’attends de la guerre elle-même la cessation, ou du moins le correctif de tous nos maux du dedans. Bref, de tout ce que je vois et j’entends, j’essaie de me former une opinion moyenne qui soit à égale distance des naïves illusions des uns, des tristes pressentiments des autres. Il me semble que cela est plus conforme à la réalité d’une situation, grave sans doute, mais dont il faut espérer, avec l’aide de Dieu, que nous saurons nous tirer avec avantage.