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samedi 16 juillet. — 1870

dans leur cœur une place que j’espère bien garder toujours, en dépit des événements qui pourraient nous séparer. Donc, avant de prendre notre parti de cette guerre formidable, qui met en cause notre existence, pour ménager une transition entre les douceurs du passé, et le rude régime qui nous menace, nous sommes allés aujourd’hui, quelques amis et moi, en partie de campagne, nous livrer une dernière fois à ces innocents plaisirs de la paix que le sage Dicœopolis des Acharniens d’Aristophane préférait à tous les lauriers de Nicias et de Lamachus.

J’ajoute, pour qu’on ne nous accuse pas d’indifférence et d’égoïsme en un moment si solennel, que cette partie n’a pas été improvisée pour la circonstance, qu’elle était projetée depuis longtemps, qu’elle revient pour nous tous les ans à l’occasion de la saint Henri, fête de notre ami Henri Lepage, qui tous les ans nous réunit, pour boire à sa santé, autour d’une matelotte dont il est à la fois l’amphitryon et le héros, et qu’il nous a semblé qu’il est de notre honneur de ne pas renoncer à notre partie traditionnelle, et de montrer à la Prusse qu’on sait l’attendre de sang-froid et de pied ferme. Bref, nous partons de bon matin, MM. de Bonneval, Edmond Elie, Lepage et moi, bien résolus à faire bonne contenance, et à nous ébattre joyeusement sur les bords verdoyants et boisés de la Meurthe. Alexandre Geny, l’aimable et vénérable M. de Saint-Florent viennent nous rejoindre par le che-