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samedi 16 juillet. — 1870.

le télégraphe venait d’annoncer. Les jeunes gardes mobiles manifestaient leur enthousiasme par des cris répétés de Vive l’Empereur ! Vive la France ! À bas la Prusse ! Ils parcouraient les rues, drapeau en tête, en chantant la Marseillaise et en poussant des clameurs. Il doit en être de même, ou à peu près, par toute la France.

Entendons-nous cependant. Ce que j’appelle ici l’opinion publique, ce n’est pas l’opinion de tout le monde, c’est tout simplement celle qui se manifeste en faisant du tapage dans la rue. Elle n’est représentée que par la jeunesse qu’entraînent toujours l’irréflexion et l’ardeur du sang, et par cette partie de la population qui se plaît à toute espèce de démonstration tumultueuse. Au fond, ce n’est jamais que l’opinion du petit nombre, mais comme elle est celle qui éclate au dehors et qui s’affirme bruyamment, elle finit toujours par prévaloir et par s’imposer à tout le reste.

Toutefois il en coûte à ceux qui ont passé l’âge des aventures, et qui ont atteint celui des pensées sérieuses, de se monter au diapason des jeunes gens de la mobile. S’ils en viennent aussi à s’exécuter et à se laisser entraîner au torrent belliqueux, c’est en se résignant à la nécessité et avec des réserves de bon sens qui rendent tout enthousiasme impossible. Voilà où j’en suis depuis hier, ainsi que quelques bons amis nancéiens qui m’ont adopté pour l’un des leurs depuis dix-sept ans bientôt que je réside dans leur chère Lorraine, et qui m’ont fait